NUCLÉOSYNTHÈSE

NUCLÉOSYNTHÈSE
NUCLÉOSYNTHÈSE

On appelle nucléosynthèse l’ensemble des processus nucléaires qui sont à l’origine de la composition chimique de la matière qui constitue l’Univers observable. On sait depuis le XIXe siècle, grâce aux travaux du chimiste russe Dimitri Mendeleïev, que la matière observable est constituée d’environ quatre-vingt-dix éléments chimiques différents allant depuis le plus léger, l’hydrogène, dont le noyau est constitué d’un seul proton, jusqu’à l’uranium dont le noyau comprend 92 protons et 146 neutrons pour l’uranium 238 et 92 protons et 144 neutrons pour l’uranium 236 (ces deux isotopes de l’uranium ont la durée de vie la plus longue, respectivement de 4,5 . 109 ans et de 109 ans). Des éléments plus lourds que l’uranium peuvent ou ont pu exister dans la nature, comme le plutonium par exemple, mais leur durée de vie est si courte qu’ils ne peuvent être observés qu’au laboratoire. Les différents éléments chimiques que l’on peut trouver dans une roche terrestre, dans le spectre du Soleil, d’une étoile ou d’une galaxie, représentent chacun des fractions très variables de l’échantillon considéré: certains éléments comme l’hydrogène ou l’hélium, éléments les plus légers, se trouvent en très grande quantité dans l’ensemble de la matière observable à l’exception des roches des planètes telluriques (Mercure, Vénus, Terre et Mars) et des satellites des planètes. En effet, en raison de leur faible masse atomique, l’hydrogène et l’hélium ont pu s’échapper de ces astres, dont la masse n’est pas assez grande pour les retenir par effet de gravité. D’autres éléments au contraire sont extrêmement rares: l’or par exemple est dix mille fois moins abondant que le fer! La figure 1 montre la courbe des abondances «universelles» qui fournit une très bonne approximation de la composition chimique de la matière observable dans l’Univers. On remarque en effet que la plupart des étoiles constituant le disque des galaxies comme la nôtre ont une composition très voisine de celle du Soleil et d’une grande partie du système solaire. À des exceptions notables près, comme les étoiles les plus âgées, qui sont aussi les moins enrichies en éléments lourds, les étoiles des régions externes des galaxies ou des galaxies de type irrégulier, également pauvres en éléments de ce type, ou encore le rayonnement cosmique qui est, lui, riche en éléments lourds, la courbe des abondances universelles déduite de la composition du système solaire et des étoiles proches du Soleil et de même type possède des caractéristiques que les processus de la nucléosynthèse doivent expliquer. On remarque en particulier la chute rapide de l’abondance des éléments quand on passe de l’hydrogène jusqu’aux éléments comme le calcium ou le scandium, puis la remontée autour du fer, ensuite la décroissance plus lente des abondances des éléments plus lourds, et enfin, l’abondance très faible des éléments légers comme le lithium, le béryllium et le bore.

Les processus de la nucléosynthèse se distinguent à la fois par la nature des mécanismes (ou réactions) nucléaires qu’ils font intervenir et par les sites dans lesquels ils se produisent. Dans cette présentation, nous évoquerons donc nécessairement les propriétés des différentes réactions nucléaires qui interviennent dans la nucléosynthèse, puis la façon dont celles-ci influent sur les sites où elles se produisent. On constatera en particulier qu’elles jouent un rôle prépondérant sur leur évolution.

Les processus de la nucléosynthèse

Une réaction nucléaire peut se décrire de façon tout à fait analogue à une réaction chimique avec cette différence qu’elle affecte les noyaux et non les atomes. Deux grandeurs physiques caractérisent toute réaction: la probabilité que celle-ci se produise (en fonction des paramètres physiques du milieu: température, densité, composition, etc.) et la chaleur ou énergie dégagée ou absorbée lorsque celle-ci a eu lieu. Les réactions nucléaires peuvent en effet être exothermiques (si elles libèrent de l’énergie) ou endothermiques (dans le cas contraire).

La probabilité d’une réaction nucléaire se mesure en termes de sections efficaces: la section efficace exprime le nombre de réactions qui se produisent par noyau cible et par unité de temps divisé par le flux de particules incidentes (un flux étant un nombre de particules mesuré par unité de surface et de temps, la section efficace ainsi définie a bien les dimensions d’une surface). L’énergie dégagée ou absorbée au cours de la réaction se calcule par application simple de la relation d’Einstein E = mc 2. Soit une réaction A + BC + D, si la masse des «enfants» C + D est inférieure à celle des «parents» A + B la réaction est exothermique et l’énergie libérée est égale à:

Dans le cas contraire la réaction est endothermique, il faut apporter une énergie minimale égale à:

appelée seuil de la réaction pour que celle-ci se produise effectivement.

Quatre types de réactions nucléaires interviennent dans la nucléosynthèse. Les deux premiers sont exothermiques et consistent en la fusion entre noyaux et l’absorption de neutrons par les noyaux lourds; les deux autres sont endothermiques: ce sont les réactions de photodésintégration (comme on le verra dans la suite, ces réactions sont inverses des réactions précédentes) et les réactions de spallation (fig. 2).

Les réactions de fusion nucléaire

Les réactions de fusion nucléaire sont des réactions entre noyaux chargés positivement qui font passer de noyaux «parents» relativement légers à des noyaux «fils» plus lourds mais dont la masse totale est légèrement inférieure à celle de leurs parents. Par exemple, la masse d’un noyau d’hélium 4 est inférieure de 27 MeV à celle de la masse de quatre noyaux d’hydrogène. Un gramme d’hydrogène transformé en hélium dégage une énergie de 6,5 1013 joules ou 2 107 kWh, c’est-à-dire pourrait couvrir les besoins en électricité et gaz d’une famille de quatre personnes pendant mille à deux mille ans. Les différentes réactions de fusion qui interviennent pendant l’évolution des étoiles sont regroupées dans le tableau. Elles concernent la fusion de l’hydrogène, de l’hélium, du carbone et de l’oxygène. Comme on le voit, il s’agit de réactions entre noyaux chargés positivement, qui ont donc une tendance naturelle à se repousser. Il faut donc que le gaz de particules susceptibles de subir ces réactions de fusion soit suffisamment chaud pour que l’agitation thermique donne une probabilité suffisante aux noyaux de se rencontrer et donc éventuellement de réagir. On a montré en mécanique quantique que les réactions de fusion peuvent se produire malgré la répulsion électrique engendrée par les noyaux les uns sur les autres. Par application du principe d’incertitude d’Heisenberg, la particule incidente a une probabilité non nulle de se trouver au-delà de la barrière de Coulomb qui serait infranchissable si la nature obéissait à la mécanique classique préquantique. À mesure que l’énergie ou la vitesse relative des particules augmente, la barrière coulombienne devient plus mince et la probabilité de la réaction (ou la section efficace) augmente. C’est en raison de cet effet que la température du gaz dans lequel ces réactions de fusion exothermiques peuvent se produire est élevée (au moins dix millions de degrés dans le cas de la fusion de l’hydrogène); on ne peut donc la rencontrer qu’au centre des étoiles suffisamment massives pour que la contraction gravitationnelle chauffe le gaz à ces températures.

D’autre part, par application simple de la loi de Coulomb qui stipule que la force de répulsion est proportionnelle au produit des charges électriques, on constate que la barrière coulombienne est d’autant plus épaisse, et donc infranchissable, que le numéro atomique (donc la charge) des particules interagissantes est plus grand. La conséquence est que la fusion de noyaux plus lourds nécessite des températures beaucoup plus élevées, afin de vaincre des barrières coulombiennes plus importantes. Ces températures très élevées ne peuvent être atteintes que dans des zones de taille et de masse de plus en plus réduites, ce qui explique la forte décroissance, en fonction de leur masse atomique, des abondances des éléments produits par ces cycles de fusion, c’est-à-dire les éléments compris entre le carbone et le fer.

Les réactions d’absorption de neutrons

Les neutrons, en raison de leur neutralité, ne subissent pas la répulsion coulombienne (fig. 3). Ils peuvent donc pénétrer à l’intérieur des noyaux des éléments chimiques qui peuvent les absorber, et ce de façon extrêmement plus efficace que les réactions de fusion: l’absorption des neutrons par les noyaux des terres rares comme le gadolinium a une probabilité de 1012 à 1014 fois plus grande que celle de la plupart des réactions de fusion. La seule limitation à ces réactions d’absorption est en fait le nombre relativement peu élevé de neutrons susceptibles de réagir dans les étoiles «ordinaires» (les étoiles à neutrons , dont le rayon caractéristique est cent mille fois plus faible que celui du Soleil, ne sont pas des étoiles ordinaires). En effet, les neutrons sont des particules très instables dont la durée de vie est d’environ dix minutes. Les réactions d’absorption de neutrons ne se produisent donc que dans les sites où ceux-ci sont produits. Les premiers travaux sur la nucléosynthèse comme ceux de George Gamow attribuaient beaucoup d’importance à ces réactions. Les astrophysiciens sont maintenant persuadés qu’elles ne jouent un rôle que dans la production des éléments plus lourds que le fer.

Les réactions de photodésintégration

Dans tout processus physico-chimique on peut associer à une réaction sa réaction inverse. C’est le cas des réactions de photodésintégration vis-à-vis des réactions de fusion. On se rappelle qu’une réaction de fusion s’accompagne d’une émission de photons due à la transformation d’une partie de la masse nucléaire en énergie. Ces émissions de photons sont d’autant plus intenses que la température est plus élevée: d’après la loi de Planck, le nombre de photons croît comme la puissance quatrième de la température. À des températures supérieures à 3 ou 4 milliards de degrés, ce nombre devient tel que l’équilibre bascule de la fusion à ce que l’on appelle la photodésintégration. Les photons, à ces températures, sont capables de briser les noyaux complexes en noyaux plus petits. Ce processus, qui est exactement l’inverse de la fusion thermonucléaire, absorbe l’énergie des photons; il est donc endothermique. C’est lui qui est à l’origine du pic du fer dans la courbe de la figure 1: les photons ont en effet tendance à briser plus rapidement les noyaux les moins stables; comme le fer possède le noyau le plus stable, ces processus ont donc tendance à l’affecter beaucoup moins; c’est pourquoi il est surabondant par rapport aux autres éléments.

Les réactions de spallation

Comme les réactions de photodésintégration, les réactions de spallation, endothermiques, brisent aussi des noyaux complexes en noyaux moins lourds. Les agents «destructeurs» ne sont plus les photons, mais des particules nucléaires de très grande énergie comme les protons ou les noyaux d’hélium 4 (appelées particules 見). L’unité d’énergie couramment employée en physique nucléaire est l’électronvolt (qui correspond à 1,6 練 10-19 J, ou encore à une température de 11 000 K). Les réactions de fusion interviennent entre particules dont l’énergie est comprise entre 104 et 106 eV. Les réactions de spallation nécessitent des énergies généralement supérieures à 107 eV. Ces réactions se déroulent en deux étapes: la première, qui ne dure que le temps de transit de la particule rapide dans le noyau (soit des temps de l’ordre de 10-22 à 10-21 s), conduit à l’émission, par collisions de type boules de billard, de quelques nucléons (protons ou neutrons); cette première étape est appelée la cascade intranucléaire. À l’issue de cette cascade commence la deuxième étape, plus longue (10-16 s), pendant laquelle le noyau intermédiaire très énergétique (il a conservé une grande partie de l’énergie que lui a cédée la particule incidente) libère cette énergie en émettant encore quelques nucléons; cette deuxième étape porte le nom d’évaporation. Les réactions de spallation se produisent par exemple à la surface des étoiles lors des éruptions stellaires ou encore dans l’interaction entre le rayonnement cosmique (flux de particules très énergétiques) avec les noyaux des atomes interstellaires. Ces réactions sont invoquées pour expliquer la formation des éléments légers rares (lithium, béryllium et bore) à partir d’éléments plus complexes mais aussi plus abondants: le carbone, l’azote et l’oxygène.

Les sites de la nucléosynthèse

Pour que ces différents processus nucléosynthétiques se produisent, il faut évidemment que les conditions physiques qui leur sont nécessaires soient réunies (fig. 4).

Dans le cas des réactions de fusion, il faut que les gaz de particules susceptibles d’interagir soient suffisamment denses et surtout suffisamment chauds (T 礪 106 K) pour que celles-ci aient lieu.

Les réactions d’absorption de neutrons ne peuvent se produire que s’il y a des neutrons susceptibles d’être absorbés rapidement par les noyaux voisins. Comme les sources de neutrons sont le plus souvent des réactions de fusion, il faut donc des conditions physiques assez analogues aux précédentes pour que ces réactions se produisent. Il a déjà été mentionné que des températures supérieures à quelques milliards de degrés étaient nécessaires pour que les processus de photodésintégration se produisent. Enfin, seuls des flux de particules rapides comme le rayonnement cosmique galactique ou ceux qui sont produits lors des éruptions stellaires sont capables d’induire des réactions de spallation.

En conséquence, on ne connaît que trois sites principaux où la nucléosynthèse peut se produire; il s’agit du gaz primordial, deux à trois minutes après l’explosion originelle, du rayonnement cosmique galactique interagissant avec le milieu interstellaire et du gaz constituant l’intérieur des étoiles. L’ordre de présentation de ces sites n’est pas indifférent puisque les deux premiers se sont produits, ou se produisent, à l’échelle de l’Univers tout entier ou de la Galaxie, alors que le dernier n’intervient que dans les astres plus limités en taille et en masse que sont les étoiles. D’autre part, c’est pendant l’explosion originelle que les éléments les plus légers, le deutérium (l’isotope lourd de l’hydrogène), l’hélium 3 et 4 et le lithium 7 sont nés; les éléments suivants, lithium, béryllium, bore, viennent de l’interaction entre le rayonnement cosmique et le milieu interstellaire, alors que tous les éléments plus lourds sont synthétisés à l’intérieur des étoiles.

La nucléosynthèse primordiale

Pour expliquer le mouvement d’expansion de l’Univers marqué par le mouvement relatif des galaxies entre elles et le rayonnement fossile à 2,7 K, les cosmologistes imaginent que l’Univers est né il y a une quinzaine de milliards d’années d’une brutale explosion, le big bang [cf. COSMOLOGIE]. Selon les hypothèses les plus couramment retenues, l’Univers aurait atteint des températures bien supérieures à 1012 K et des densités bien supérieures à 108 g 練 cm-3. Quelques dizaines de secondes après cette explosion, c’est-à-dire lorsque l’Univers avait une température de l’ordre de 1010 K, il était constitué de nucléons (neutrons, protons) et de leptons comme les électrons, les positrons et les neutrinos; il existait un équilibre entre les neutrons et les protons régi par les interactions dites faibles (parce qu’elles font intervenir à la fois nucléons et leptons):

(neutron + positron 曆 proton + antineutrino),

(proton + électron 曆 neutron + neutrino).

À des températures de l’ordre de 109 K, c’est-à-dire quand l’Univers était âgé de quelques minutes, ces équilibres ont cessé de se produire, et les neutrons ont donc commencé à subir leur désintégration: np + e - + 益. C’est à ce moment-là que se situe la nucléosynthèse primordiale, à partir de la réaction d’absorption des neutrons par les protons: p + nD + 塚, et les réactions qui s’ensuivirent (cf. tableau), responsables de la formation de l’hélium 3 et 4 et du lithium 7.

Cette nucléosynthèse primordiale, outre qu’elle fournit une explication particulièrement convaincante concernant la formation de ces éléments, constitue également un moyen d’imposer certaines conditions physiques sur cette phase originelle elle-même. On constate en particulier que la nucléosynthèse primordiale de D, 3He et 7Li implique une densité en nucléons de l’Univers beaucoup trop faible pour que celui-ci se contracte à nouveau. Cette nucléosynthèse prédit donc que l’expansion doit être continue (on dit alors que nous sommes dans un univers ouvert ). D’autre part, la comparaison entre les abondances d’hélium calculées à partir des modèles et observées implique une limitation dans le nombre de familles de leptons susceptibles d’exister dans l’Univers. Les physiciens des particules ont mis en évidence trois types différents de leptons: l’électron, le muon et le tau. Les spécialistes de nucléosynthèse primordiale concluent qu’il ne peut y en avoir d’autre sinon l’accord existant entre la théorie et l’observation n’existerait plus. Les noyaux les plus légers seraient donc les résidus tangibles de l’explosion originelle.

L’interaction entre le rayonnement cosmique et le milieu interstellaire

Le rayonnement cosmique galactique est constitué de flux de particules très rapides vraisemblablement accélérés au voisinage des étoiles explosives comme les supernovae, ou très massives comme les étoiles de Wolf-Rayet. Ces particules traversent et bombardent le milieu interstellaire dans lequel elles subissent trois sorts possibles: elles s’échappent du disque galactique pour se perdre dans les halos galactiques ou les milieux intergalactiques, ou bien elles sont ralenties par interaction avec les électrons des atomes interstellaires qu’elles ionisent (c’est de cette façon que le gaz interstellaire se réchauffe); ou encore, elles produisent des réactions de spallation avec les noyaux interstellaires. C’est ainsi que, en comparant le rapport des éléments LiBeB/CNO (lithium, béryllium et bore sur carbone, azote et oxygène) dans le rayonnement cosmique (de l’ordre de 0,22) avec le même rapport dans le système solaire (environ 10-5), on se convainc facilement que ces éléments, particulièrement rares dans les étoiles et le système solaire, doivent être produits par ce type d’interaction. Cette estimation qui rend bien compte des abondances observées de 6Li, 9Be, 10B et 11B (et de 10 p. 100 du 7Li observé qui est synthétisé après l’explosion originelle ou dans certaines étoiles), permet également de calculer la quantité de matière interstellaire traversée en moyenne par le rayonnement cosmique. Celle-ci est de l’ordre de 6 g 練 cm-2. La formation d’éléments radioactifs à longue durée de vie, comme 10Be (béryllium 10), permet d’estimer que le rayonnement cosmique effectue son parcours dans le milieu interstellaire en un temps de l’ordre de 107 ans, et que la densité moyenne du gaz interstellaire traversé est de l’ordre de 0,1 particule par centimètre cube.

La nucléosynthèse dans les étoiles

La nucléosynthèse dans les étoiles fait intervenir tous les processus nucléosynthétiques à l’exception des réactions de spallation qui n’interviennent que de façon très secondaire à leur surface. La nucléosynthèse dépend fortement des conditions physiques qui règnent dans les milieux où celle-ci se produit et, donc, du type d’étoile considéré. Il existe, de fait, une correspondance entre la place occupée par une étoile dans un diagramme température de surface-luminosité (équivalent à un diagramme couleur-magnitude) qui porte le nom de diagramme Hertzsprung-Russell. Comme on va le voir de façon un peu plus détaillée, la majorité des étoiles (comme le Soleil), qui appartiennent à la séquence principale, transforment l’hydrogène en hélium dans leurs régions centrales. Ces stades successifs se produisent dans les étoiles géantes et supergéantes. Enfin bon nombre de processus nucléosynthétiques ne peuvent se produire qu’au cours des explosions stellaires (novae et surtout supernovae). Cet ensemble foisonnant – les processus de nucléosynthèse dans les étoiles en cours d’évolution – peut donc être classé en trois groupes. Il s’agit principalement des réactions de fusion de l’hydrogène, de l’hélium, du carbone et de l’oxygène, ainsi que du processus de capture lente de neutrons.

Les étoiles de la séquence principale du diagramme Hertzsprung-Russell tirent leur énergie de la fusion de l’hydrogène en hélium . La zone centrale de ces étoiles a une température de l’ordre de 107 K et une densité de l’ordre de 100 g 練 cm-3. La transformation de l’hydrogène en hélium peut s’opérer de trois façons possibles: directement par réaction de l’hydrogène sur lui-même; par catalyse indirecte de l’hélium lui-même; par les réactions du cycle carbone, azote, oxygène, découverts dès 1938 par Hans Bethe et Carl von Weizsäcker. Pour une étoile comme le Soleil, 60 p. 100 de l’énergie vient du premier cycle, 25 p. 100 du deuxième cycle et 15 p. 100 du cycle CNO.

Il y aurait beaucoup à dire sur ces cycles de réactions; on doit se limiter ici aux cinq remarques suivantes:

1. la grande lenteur de la réaction: H + HD + e + + 益, qui est en fait une interaction faible, explique la longévité des étoiles comme le Soleil;

2. cette lenteur est renforcée par la très grande instabilité des noyaux de masse atomique 5 et 8 et d’un noyau comme le lithium 4;

3. une des réactions des cycles de transformation de l’hydrogène en hélium: 8B8Be + 益 + e +, produit un neutrino particulièrement énergétique qui peut être détecté dans le cas du Soleil. Jusqu’à maintenant, il y a désaccord avec la prévision théorique, qui est trois fois et demie supérieure à ces flux de neutrinos détectés;

4. l’ensemble de l’hélium ainsi produit dans ces étoiles est dix fois moins abondant que celui qui est produit lors de la nucléosynthèse primordiale. D’autre part, le deutérium présent à l’intérieur des étoiles est 1013 fois moins abondant que ce qui est observé, ce qui justifie également la nucléosynthèse primordiale; 5. par le cycle CNO le carbone et l’oxygène sont graduellement transformés en azote, parce que la réaction qui le détruit dans ce cycle est beaucoup plus lente que les autres. Le cycle CNO n’est donc pas seulement une source d’hélium, c’est également une source d’azote.

Les étoiles géantes rouges sont le site des réactions de fusion de l’hélium et des processus d’absorption lente de neutrons . Lorsqu’une étoile de la séquence principale a transformé plus de 10 p. 100 de l’hydrogène des régions centrales en hélium, elle subit une transformation importante qui conduit à la fois à la contraction de son centre, qui est alors porté à des températures de l’ordre de 108 K et des densités de l’ordre de 104 à 105 g 練 cm-3, et à la dilatation de leurs régions externes. Lorsque le Soleil rentrera, dans cinq milliards d’années, dans cette phase, la Terre sera alors incluse à l’intérieur d’un Soleil très dilaté et très rougi (température externe moins élevée). Au centre de ces étoiles un processus assez complexe du point de vue nucléaire se produit, conduisant à la transformation de l’hélium en carbone et éventuellement en oxygène.

Les réactions de fusion de l’hélium en carbone sont particulièrement sensibles à la température; un très faible échauffement des régions centrales de ces étoiles peut emballer ces réactions et engendrer une explosion partielle de ces zones qui les mélangent avec les zones qui les entourent où la combustion de l’hydrogène continue à se poursuivre. C’est au cours de ce type d’explosions modérées que l’on appelle flash de l’hélium que l’on peut voir des neutrons libérés par deux types de réactions:

et

C’est donc par ce mécanisme que les réactions d’absorption lente de neutrons par les noyaux plus lourds que le fer doivent conduire à la formation des éléments lourds dits «s» (s = slow = lent). Dans une même famille isotopique, ces éléments ont une masse atomique intermédiaire entre les plus légers et les plus lourds. Ce sont dans ces étoiles que l’on remarque des surabondances marquées en éléments produits par ces réactions comme le baryum ou, dans d’autres cas, le technecium (élément de durée de vie inférieure à celle de la phase stellaire considérée et qui donc ne peut être produit que par l’étoile elle-même).

Les étoiles supergéantes sont le site des réactions de fusion du carbone et de l’oxygène . Les géantes rouges, lorsque la fusion de l’hélium ne suffit plus à leur apporter l’énergie qu’elles rayonnent, connaissent une nouvelle phase de contraction des régions centrales et d’expansion du reste de l’étoile. Elles deviennent alors des supergéantes où les températures centrales atteignent 6 練 108 K dans la zone de fusion du carbone, et 109 K dans la zone de fusion de l’oxygène alors que les densités dépassent 106 à 108 g 練 cm-3. La fusion du carbone permet la synthèse d’éléments comme le néon, le sodium et le magnésium; celle de l’oxygène concerne les éléments comme l’aluminium, le silicium et le soufre.

Il n’y a pas de réactions de fusion pour les éléments de masse atomique supérieure à celle de l’oxygène; les barrières coulombiennes deviennent si élevées que les températures nécessaires induisent davantage les réactions de photodésintégration.

La durée de vie de chacun des stades successifs diminue fortement; elle est de l’ordre de 1010 ans pour la fusion de l’hydrogène (dans le cas d’une étoile de type solaire), 108 ans pour la fusion de l’hélium, 104 ans pour les derniers stades de fusion pour lesquels la perte d’énergie est accélérée par la libération de flux de plus en plus importants de neutrinos.

On remarque enfin que l’aspect de l’étoile ne se modifie pas pendant qu’elle élabore de nouveaux produits nucléosynthétiques. Cette modification a plutôt lieu lorsqu’elle passe d’un état physique à l’autre par contraction gravitationnelle; cela est une autre façon de reconnaître l’effet stabilisateur des réactions de fusion thermonucléaire.

Nucléosynthèse explosive

Les étoiles explosives comme les novae et les supernovae sont responsables d’une grande partie de la nucléosynthèse stellaire. À chaque processus, fusions de l’hydrogène, de l’hélium, du carbone et de l’oxygène qui se produisent durant les phases calmes de l’évolution stellaire, on peut y associer les processus explosifs qui se produisent à des températures plus élevées et qui conduisent à la formation de processus nucléosynthétiques différents. Par exemple, la fusion explosive de l’hydrogène (qui se produit dans les novae par l’intermédiaire du cycle CNO chaud à des températures supérieures à 108 K) conduit à la formation d’éléments comme 13C, 15N, 17O ou 21Ne. Le tableau donne le détail des conditions physiques régissant les différents processus explosifs ainsi que les principaux éléments chimiques ainsi produits.

Ces processus explosifs ne sont pas les seuls événements à se produire lors de l’explosion des supernovae. On pense que ces astres sont également responsables des réactions de quasi-équilibre du silicium, de photodésintégration du fer, de capture rapide de neutrons et enfin de production des noyaux lourds les plus riches en protons dits éléments «p»:

Les réactions de quasi-équilibre du silicium se produisent à des températures comprises entre 3 et 5 練 109 K. Elles consistent en une photodésintégration partielle des noyaux de silicium:

les protons, neutrons et particules 見 ainsi produits sont absorbés par les noyaux qui n’ont pas été désintégrés et permettent la synthèse des éléments compris entre le silicium et le chrome;

Les réactions de photodésintégration du fer qui se produisent lors de l’explosion des supernovae sont en fait à l’origine de ces explosions et expliquent la forme du pic du fer dans les courbes des abondances des éléments;

– Lors de l’explosion des supernovae, un grand nombre de neutrons doivent être libérés très rapidement par les réactions explosives et doivent être à l’origine des réactions d’absorption rapide de neutrons; cela explique la formation des éléments lourds dont le noyau est relativement riche en neutrons (les isotopes les plus lourds) et de tous les éléments plus lourds que le plomb 209;

– Les noyaux lourds, riches en protons (noyaux p ou isotopes les plus légers), sont formés par réaction de fusion explosive ou de photodésintégration partielle des noyaux produits par capture lente de neutrons.

On voit donc combien les étoiles explosives comme les supernovae ont un effet nucléosynthétique important. Cela a été vérifié par les observations en optique ou en rayonnements X et gamma des restes de supernovae, où l’on remarque des surabondances en éléments lourds qui ont dû être fabriqués au cours de l’explosion.

En résumé et en conclusion, il est difficile de passer en revue en quelques lignes un sujet aussi important et complexe que la nucléosynthèse. On doit remarquer simplement que les différents processus sont maintenant assez bien compris, tout au moins dans leur principe, et que la détermination des différents sites nucléosynthétiques devient à la fois et plus raffinée et plus sûre. Grâce à ces études, qui font intervenir les progrès les plus récents obtenus en physique nucléaire, on sait non seulement d’où viennent les différents éléments chimiques, mais on peut également commencer à retracer leur histoire à l’échelle de l’évolution de la Galaxie. Ainsi, tous les êtres vivants sont fabriqués à partir de poussières d’étoiles et de restes de supernovae d’un âge supérieur à cinq milliards d’années. La nucléosynthèse apparaît donc comme l’outil essentiel pour comprendre la composition de la matière observable qu’elle explique avec maintenant beaucoup de succès.

nucléosynthèse nom féminin Ensemble des processus qui conduisent à l'apparition des éléments chimiques constituant la matière de l'Univers.

nucléosynthèse
n. f. ASTRO Ensemble des réactions nucléaires qui permettent d'expliquer la formation (à partir du noyau d'hydrogène) de tous les éléments chimiques présents dans l'Univers.

nucléosynthèse [nykleosɛ̃tɛz] n. f.
ÉTYM. Mil. XXe; de nucléo-, et synthèse.
Phys. Formation des éléments chimiques par réactions nucléaires dans les astres.
0 La cosmologie, qui décrit la formation de l'Univers et son évolution macroscopique, est fondée sur trois faits fondamentaux (…) La nucléosynthèse, qui permet d'expliquer la formation des éléments chimiques les plus légers, comme celle du deutérium (…). Actuellement, la majorité des astrophysiciens pense que ce phénomène s'est produit durant les phases initiales explosives et chaudes de l'univers.
J. Audouze, in la Recherche en astrophysique, p. 228-229.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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